Frank ToveyA la fin de la tournée avec Stiff Little Fingers, Daniel Miller reprend sa routine londonienne : il traîne du côté de Portebello Road et Edwin Pouncey (un dessinateur au NME qui crayonne sous le pseudo Savage pencil et qui se trouve être le co-locataire de Frank Tovey) lui présente plusieurs démos. Daniel Miller est impressionné par les morceaux d’un certain Fad Gadget, qu’il trouve humoristiques et authentiques. Il va rapidement rencontrer Frank Tovey, le personnage derrière Fad Gadget et lui proposer d’enregistrer un single.

Francis John Tovey est né le 8 septembre 1956. Il poursuit des études d’art à la Leeds Metropolitan University. Le théâtre est sa première passion mais il a du mal à percer et décide de se tourner vers la musique, comme de nombreux jeunes à la fin des années 70 au moment où le mouvement Do it yourself explose et que le prix des claviers devient accessible. Courant 1979, Daniel Miller et Frank Tovey commencent à travailler ensemble sur le single Back to Nature et sa face B, the Box. Daniel Miller a un temps d’avance sur Tovey grâce à l’expérience The Normal, il va donc officier en tant que producteur du single, un titre qui lui semble un peu fort. Producteur par défaut serait peut-être plus approprié, « parce que j’en savais un tout petit plus que Frank à l’époque ». Toujours est-il que le single est une réussite. Derrière la pochette où Tovey pose de dos et nu, l’auditeur est attendu au coin du bois par les voix de stupéfiants oiseaux électro. L’homme amorce t-il un retour aux sources ou tourne t-il carrément le dos à la nature semble se demander le premier artiste signé par Daniel Miller chez Mute.

Back to NatureCes bidouillages vont se structurer peu à peu et quand il s’agit de sortir un second single début 1980, Daniel Miller et Frank Tovey vont prendre la direction du studio Blackwings. Ricky’s hand, une charge tragi-comique contre l’alcoolisme au volant, sort en février et, comme Back to Nature, passe inaperçu dans les charts. Le morceau trouve néanmoins sa place sur la compilation Machines en cette année 1980. Epaulés par Eric Radcliffe et John Fryer, ils vont pouvoir enregistrer à la même période Fireside Favourites, le premier album de Fad Gadget, qui se moque gentiment de la société contemporaine. On retrouve des thèmes chers à Daniel Miller sur cet album, ainsi Pedestrian qui ouvre Fireside Favourites rejoint Warm Leatherette ou Ricky’s hand dans la dénonciation d’une société obsédée par l’automobile. L’album pose Fad Gadget en groupe avant-gardiste mélangeant rock, new wave et musique industrielle.

Dans la foulée, Fad Gadget commence à faire quelques dates de concerts, Daniel Miller va l’épauler sur scène au clavier avant que Fad Gadget ne se trouve un groupe. « Je me souviens d’un de ces concerts aux Pays-Bas - avec Scritti Politti – qu’on a joué dans une grand communauté hippy. A la fin du concert, tous les groupes sont venus sur scène pour un horrible medley et je crois me souvenir que je jouais de la guitare » déclare Miller qui ne manque jamais de confesser qu’il n’est pas à l’aise guitare entre les doigts. Mais c’est avant tout la présence scénique de Tovey qu’on retient, les performances de Fad Gadget en concert étant parfois épiques. Tovey, qui s’est familiarisé avec la scène dans les années 70 en faisant du théâtre, a pris l’habitude d’habiller ses concerts de produits en tout genre. Ainsi il n’hésite pas à s’enduire de plumes et de goudron, de s’arracher les poils (pubiens ou non) , d’engloutir le microphone, de se donner des coups de poing dans le ventre pour faire sortir des borborygmes indescriptibles, de piquer le sac d’une spectatrice au premier rang, de faire monter le public sur scène. La liste des surprises qui émaillent un concert de Fad Gadget est longue.

En studio, Frank Tovey est particulièrement actif dans la première partie des années 80. En 1981, Incontinent qui est la suite moins sombre de Fireside Favourites, est un album dans lequel Fad Gadget utilise pour la première fois des choristes et des instruments comme l’accordéon ou la guimbarde. La même année, Frank enregistre avec Boyd Rice l’album Music for the hard of hearing qui ne sera commercialisé qu’en 1984. Entre-temps, Under the Flag (1982), dans lequel Tovey incarne un jeune père de famille inquiet face au monde moderne, et Gag (1984) viennent compléter l’aventure Fad Gadget. Car Frank Tovey décide de changer les règles du jeu, il vire folk et publie les disques sous son propre nom. Ce long virage inégal durera entre 1986 et 1993. Ce n’est qu’en 2001 que Fad Gadget amorce un retour sur scène en première partie de Depeche Mode pendant l’Exciter tour. Dans les bacs, le best of résume également l’aventure commencée au début des années 80, en essayant malhabilement de remettre certains morceaux au goût du jour. Semblant envisager de nouveaux projets et se produisant dans des petites salles comme la Locomotive, Frank Tovey décédera en 2002 d’une crise cardiaque.

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