En cette période propice aux entre-deux, aux bilans ou autres chemins de traverse, je suis revenu de manière plus franche vers The Light the Dead See en faisant l'acquisition de l'objet disque dans sa dernière édition comportant le Live In Hollywood. On aura beau dire et sans vouloir être passéiste, franchir le pas vers le support disque consolide fortement la perception d'ensemble de l'ouvrage. Ces nouvelles écoutes m'ont beaucoup apporté, c'est pourquoi j'ai voulu vous faire part de cette nouvelle revue, très tardivement. Toujours dans la posture, assumée, du non musicien qui compense avec les impressions, les associations d'idées et la culture.
L'écoute sur gravure offre quelque chose de beaucoup plus lisse, mat et transparent que les diverses modifications mystérieuses que peuvent apporter tel ou tel téléchargement local. Mais on s'y fait très vite. J'ai clairement retrouvé ces deux parties distinctes de l'album, entre fort pathos d'un côté ( mais très maîtrisé ) et balades de l'autre. Après Presence of God, on bascule clairement dans une autre atmosphère qui demande une fréquentation sur le long terme, laquelle se trouve récompensée contrairement à ce que j'ai pu lire parfois. Sur ce point je trouve l'album savamment composé, avec une vraie progression qui laisse place à la rupture.
Les deux parties instrumentales sont assez magiques, La Ribera renvoie aux images que l'on peut avoir ou que l'on peut se faire des grandes routes américaines chaudes et parfois désolantes. Il y a du Breaking Bad dans ce disque, association évidente pour moi en termes de tableaux.
La désolation instrumentale se retrouve dans Point sur PT.1, mais sous un tour plus romantique, on croit entendre les accents du prélude du troisième acte de Tristan et Isolde ( https://www.youtube.com/watch?v=CMLz9kgsfG0 ), grâce aux cordes un peu larmoyantes. Ce pathos se retrouve aussi dans In The Morning et Presence of God dont beaucoup ont parlé ici et qui marquent fortement l'esprit. Ce sont des morceaux « boucles » très riches qui s'adressent directement à la vie émotionnelle du sujet. Ils sont séparés par The Longest Day qui en son refrain offre une incomparable texture harmonique entre les voix de Gahan et celles des choristes. Le refrain charrie derrière lui une pesanteur de cow boy fatigué, le mâchement d'un vieux chewing gum dont la totalité des sucres a été jadis absorbée. Globalement, c'est un album qui laisse des lambeaux, des trainées derrière lui, la référence à la mort dans le titre prend son sens à mesure que la musique nous possède.
Justement, la deuxième partie permet de nuancer ce tableau un peu sombre ( mais si stimulant en même temps, autant que le spleen baudelairien ). On reste bien sur la route, avec cette chaleur, cet horizon trouble et toutes sortes de mirages. Dans les premières mesures de Take Me Back Home on atteint le point culminant en matière de production, avec en même temps une impression de déjà entendu mais qui n'est pas dérangeante. C'est juste l'instrumentarium qui est familier. J'adore ce son chaleureux, enflé comme un vieux jukebox ; un orgue Hammond a été réveillé et constitue un fond de sauce un peu gras, mais très agréable, on est confortablement installé sur la grande banquette en plastique d'un take away et on attend l'assiette, le gobelet démesurés, en contemplant le paysage. A l'autre extrémité du morceau la forme du refrain apparaît dans sa nudité, avec les voix a cappella, comme à la fin de Goodbye, mais avec beaucoup plus d'apaisement.
Tonight fait une très belle synthèse : texture des balades précédentes mélangée aux accents de déclamation de la première partie. Comme le sont nos morts, The Light The Dead See est doux accompagnateur.