par Vivre Avec Depeche Mode » 23 Jan 2014, 13:43
Chers modiens, je sèche ce matin une partie de ma formation pour vous livrer une nouvelle fois mes impressions suite à la soirée montpelliéraine avant même que certains parmi ne s'enferment ce soir dans la halle Tony Garnier. Pour ceux qui auront la patience de me lire, qu'ils ne soient pas surpris des éléments biographiques que j'incorporerai, comme à chacune de mes revues. Pardonnez d'avance le ton un peu rude, les images employées pour une partie du public dans laquelle, je suis sûr, vous ne vous reconnaîtrez pas.
Mardi en fin d'après midi je sors de Toulouse sans difficulté, je connais la route mais ne sais pas trop vers quel type d'expérience je me dirige. En même temps je me sens pressé, impatient. Je suis dans un confusion qui doit s'expliquer par le fait que c'est la première fois que je me rends seul à un concert des gars. Cette particularité a d'ailleurs une influence sur ce que je vais relater et décrire.
Les campingcaristes allemands le savent mieux que quiconque, un concert de Depeche Mode c'est d'abord une route, un chemin. Celui entre Toulouse et Montpellier se fait à deux niveaux. Je tente d'allier la concentration sur une vitesse et un trafic assez soutenu avec la contemplation express du fabuleux paysage cathare.
Vers cinq heures du soir, la lumière rase trace un éblouissant rayon sépia qui me remplit cette fois d'un réel enthousiasme. Je m'arrête sur une aire que certains connaissent peut-être puisqu'elle permet, par un jeu d'escaliers, d'avoir un point de vue synoptique sur la cité de Carcassonne. Quelques instants pour photographier de loin les murailles, en plein vent, et laisser mon imagination produire les sons d'un personnal jesus qui a résonné, parmi d'autres titres, en ce lieu. Derrière moi de majestueux platanes piquent le soleil orange sanguine qui décline. Ils m'informent par leur sagesse naturelle du temps qui passe.
La deuxième partie de la route me fait basculer dans la nuit qui ce soir-là, sur ce fragment de terre, sera une nuit modienne. Une mauvaise intuition, certainement liée à une mauvaise appréhension, me fait sortir trop tôt. Commence alors un rallye autour des prolongements urbains de la côte pour rejoindre l'arena. C'est un rallye laborieux mais, dieu merci, fléché.
Une fois le frein à main enclenché, l'éclairage nocturne valorise encore les palmiers et la mer huileuse. La température est froide mais pas agressive.
Le temps de récupérer des émotions positives et négatives de la route, je reçois un texto de l'une d'entre vous qui avec sa ponctuation vive et sa joie habituelle de fan me souhaite de vivre un grand moment.
Je sors et adopte la marche du fan vers l'entrée du parc, je suis bien le seul à avoir ce rythme. L'entrée est très bien pensée, moderne. Une belle lumière orangée éclaire le gigantesque paravent d'entrée. Le hall offre tout l'accueil moderne d'une belle et respectueuse salle de masse. Le dj set qui résonnait déjà depuis l'extérieur se fait un peu plus entendre. Derniers allègements, dernières vérifications, dernières pensées sociales. Aux barquettes des pissotières, un homme tente le trait d'humour : « ils ont annulé le concert... ». Ha.
Arrivé aux gradins, bien placé bien que très en retrait, juste au bord de l'un des escaliers, je découvre une salle parfaitement pensée en fonction de tous les mondes possibles de dangers et de catastrophes. L'environnement sécuritaire retire donc quelque peu son charme au lieu mais on s'y sent tout de même bien.
Et puis, drôle d'impression,scepticisme. Comme très souvent, la première partie n'a aucune efficience. De là où je me trouve en tout cas. J'ai l'impression d'assister à une soirée d'entreprise, un gala de personnel pour une grande compagnie de téléphonie mobile, bref tout ce que j'aime.
L'ennivrant DJ set prend le relais et là le doute sur les gens qui m'accompagnent se confirme. Je suis le seul debout à tenter l'incorporer les sons, à essayer de m'immerger, de m'abandonner complètement comme j'aime le faire avant l'arrivée des dieux. Autour de moi une clientèle consumériste apathique, dont les regards interrogateurs font penser à un public de sourds qui n'auraient pas appris un nouveau langage. Tu vas avoir du boulot Dave.
C'est pour cette raison incontournable d'environnement, d'ondes, que j'ai peiné à entrer dans une première partie du concert. Le fameux instant de bascule entre la fin de la techno et les permiers accords de l'intro ne me touche guère. Tout simplement parce que toute cette partie du public dans laquelle je me trouve n'est pas dans le rituel. Pour beaucoup, ce sont de simples curieux fatiguées par leur journée. Une jeune femme assise un peu plus loin de moi continue sa sieste. D'autres font des têtes d'enterrement. Tous mes mouvements de danse sont contrariés par l'observation incompréhensible de ces êtres, et réciproquement. Les minutes passent et je ne parviens pas à m'abstraire, à basculer dans l'autre monde. C'est plus fort que moi, à un concert de Depeche Mode, j'ai besoin régulièrement de prendre la température autour de moi, de voir ce qui se passe. Je le faisais même au Grand Journal. Sans doute un réflexe acquis depuis la quantité de visionnages du film One Night In Paris dans lequel on saisit toute l'importance du public.
Les Depeche Mode eux, si loin devant, sont sublimes. Ils sont déjà dans la jouissance. Ils ont envie. Dave apparaît avec sa physionomie de fin de tournée, amaigri certes, le visage plus creusé mais souriant, disposé. Il s'est préparé, lui. La voix aura quelques difficultés, elle a perdu un peu en force. Quelques accidents sur Welcome to my world et au refrain de Should be Higher. Mais le talent du diseur, lui, n'a rien perdu. Le corps du félin continue de se lover parfaitement dans la musique avec une irrésistible gourmandise et un sens aigu de la sensualité – la suggestion de strip tease sur l'intro lente de personnal jesus fut un grand moment. Quel plaisir de les voir aussi disposés à une date si avancée de la tournée.
Incorrigibles qu'ils sont, intemporelle qu'est leur musique, ils ne vont pas tarder à m'embarquer et à faire de ce public de bras cassé une vraie machine de guerre.
Behind the wheel a, je pense, donné l'occasion au public non averti d'être initié à l'atmosphère si spécifique d'un concert de Depeche Mode. Les voix simples et samplées d'oiseaux numériques sur le refrain orchestral ressortaient magnifiquement, on revoyait les haut parleurs rouges de Corbijn. Les corps autour de moi commencent à être stimulés. Enfin de bonnes vibrations. La fosse de plus en plus sonore m'envoie d'écrasants ressacs par lesquels je me laisse volontiers inondé.
Grâce à Slow, Martin nous livre un nouvel aspect de ses prestations publiques. Les deux écrans latéraux m'aident à apprécier cet investissement très théâtral dans la chanson, au-delà du piètre accompagnement mal restitué dans la salle. Martin me fait alors penser à un chanteur populaire allemand transgenre tout droit sorti d'un opéra de Kurt Weill, dans une salle obscure d'un cabaret berlinois. Surprenant, fascinant. On avait ce soir la chance d'avoir le Martin taquin et joueur, bien installé et connecté.
Enjoy fut un pur moment d'extase. Ou de l'intérêt d'être au fond. Certainement la soirée où j'ai apprécié le plus le sempiternel morceau. Le groupe continue d'apprécier la récréation. Rigueur et emballement. Son incroyablement élastique depuis ma place, certainement conditionné visuellement par ces bleus et violets qui remplissent le spectre.
Tout au long de ce concert trop court, je continue de monter des marches significatives dans le plaisir et je ne me soucie plus de ce que je suis venu chercher. Je retrouve mon habitude de faire le chef d'orchestre. Tant pis pour les pantins inanimés derrière moi.
Le point culminant : Halo. Là, c'est la tête qui se lève, comme elle se levait au stade de France en 2009 au moment de recevoir la rythmique de Stripped, comme elle se levait vers les fenêtres de la grand place d'Arras pendant Behind The Wheel. On touche au miracle modien du temps suspendu, un au-delà du plaisir esthétique. A la différence de Nîmes, les vocalises finales passent harmonieusement, comme des flammèches qui viennent paisiblement dessiner les contours de nos silhouettes. Ici la tête se lève vers les poutres métalliques, donc toujours dans l'univers technique. Tout prend alors sens, comme dans un vol de lucioles.
Inévitablement, le crescendo général du concert fut retardé par des morceaux qui à mon sens n'avaient pas leur place, aisément substituables par des choses qui pourraient autant emporter l'adhésion en ayant plus d'ambition, c'est exactement ce qu'écrivent certains d'entre vous. Pendant la boum de Just Can't get enoough je suis resté faire tapisserie. Ça fonctionnait mieux dans les Arènes.
Globalement les gens autour de moi ( que j'arrêterai de blâmer maintenant ) ont tout de même bien intégré la progression, bien qu'ils se soient réveillés trop tard. Sur le plan humain, j'ai échangé avec l'ami de Marc inscrit sur le forum , il s'est bien donné lui aussi, je me sentais moins seul. A la sortie je fais la connaissance de Boddhidarma, solaire, qui me remet une clé qui apportera du matériau au multicam de Nîmes.
Vers trois heures trente du matin, je rejoins ma chambre du centre agronomique de Toulouse. Quelques heures plus tard mes collègues sont curieux de ce que j'ai pu faire, de ce que j'ai pu vivre et aussi de ce que j'ai pu entendre...Le mercredi, le temps revient à la grisaille, au froid sec, un sale temps tenace qui n'épargne pas la région Midi Pyrénées. DM a déserté les lieux et je n'attends plus qu'une chose, que mes formateurs me libèrent dans un peu plus d'une semaine et que je prenne la route pour l'omnisport.