Après Eurythmics et Soft Cell, c’est Depeche Mode qui s’attire les grâces de l’antéchrist superstar. Traitement de faveur ou pas, le morceau issu de Violator est carrément bombardé single du best of du révérend. La belle affaire ! A l’origine Martin Gore écrivit une chanson inspirée des mots de la femme d’Elvis. Elle comparait ce dernier à son Jesus Personnel dans son livre « Elvis and Me ». Mais l’appel de la religion était trop fort et de nombreuses personnes ne virent en les paroles du petit blond qu’un hymne chrétien. Depeche Mode en parrain du christian rock ? Pas exactement mais il est indéniable que la référence religieuse a été mise en avant et vendue comme telle. Ce fut un carton aux Etats-Unis où un numéro de téléphone surtaxé permettait pour l’occasion de contacter l’au-delà. Personal Jesus fut l’occasion pour Depeche Mode de constater que la religion faisait vendre. Ils y reviendront plus tard dans l’album « Songs of faith and devotion ».

Satan l’habite
Manson en mickeyPas étonnant dans ces conditions que le choix de Marilyn Manson se porte sur Personal Jesus. Pas étonnant mais pas très fin. Un choix un peu trop facile, une façon un peu énorme de prendre à contre-pied son monde. Un peu comme si Madonna et Britney Spears se roulaient une pelle. Un peu comme si Eminem faisait un duo avec Elton John après de nombreuses déclarations homophobes. Un peu comme si U2 se faisait voler ses démos. Bref, le grand cirque du rock dans tout ce qu’il n’a pas de plus fin. Grosses ficelles et big money, pseudo scandales, tout est bon du moment que cela fait vendre. Et Marilyn Manson en connaît un rayon au niveau provocation et marketing douteux. Car il n’est plus aujourd’hui que l’ombre de l’artiste indépendant original qu’il a été sur ses premiers albums. Ce fan de rock décadent sort de l’ombre en 1989. Il vient de monter le groupe The Spooky kids. Pour se faire remarquer, tous les membres du groupe s’inventent des pseudos composés de prénoms d’icônes glamour et de patronymes de serial-killers américains. Ainsi naît le nom de Marilyn Manson, improbable enfant de Marilyn Monroe et de Charles Manson. C’est la toute première action marketing de l’artiste : ce nom de scène représente selon les dires du principal intéressé les deux extrêmes que l’Amérique a engendré, des stars belles et enviées et des tueurs que tout le monde rejette.

« L’Antéchrist $uper$tar souhaite diffuser son message auprès du public américain et par extension, puisqu’un sou est un sou, au monde entier »

L’objectif de Manson est depuis lors de montrer les deux visages de l’Amérique et de devenir son pire cauchemar. C’est dans cet esprit qu’est réalisé en 1994 le premier album du groupe, qui a définitivement adopté le pseudo de son leader. Il s’agit de « Portrait of an american family » engendré sous la houlette de Trent Reznor, monsieur Nine Inch Nails. Cet album affreux, sale et méchant fait déjà la part belle aux visuels et aux textes provocateurs qui resteront la marque de fabrique de Manson. Mais son personnage sera réellement étoffé grâce à l’album « Antichrist superstar » sorti en 1996. Ce disque est son chef d’œuvre puisque ses propos sont appuyés par la génialissime production de Trent Reznor, véritable homme de l’ombre, qui confère à Manson sa véritable identité musicale. C’est à partir de cet album que la machine s’emballe. Manson, nommé révérend d’un ordre sataniste, remporte un formidable succès aux Etats-Unis, notamment, et c’est un comble, grâce aux nombreuses annulations de ses concerts pour obscénités sur scène. Le bonhomme souhaite diffuser son message auprès du public américain et par extension, puisqu’un sou est un sou, au monde entier : l’Amérique et donc le monde doivent développer un jugement critique face à la religion chrétienne, qui n’est pour lui qu’hypocrisie, et les gouvernements en place. Quelques unes de ses idées sont pertinentes mais il semble que la forme (les actes, les maquillages, les déclarations sur sa sexualité et les vêtements outrageux) prenne largement le pas sur le fond. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant puisque, par la suite, Manson va se fourvoyer dans des albums de plus en plus faciles et de moins en moins inventifs où il va tour à tour passer du glam rock éculé (Mechanical animals) au metal bruyant et vain (Hollywood ou The Golden age of the grotesque).

Les eighties comme fond de commerce
Quid de la reprise de Personal Jesus dans tout cela ? C’est une longue histoire puisqu’on se murmurait déjà en 1997 que celui qui s’est intronisé suppôt de Satan allait reprendre Depeche Mode et le morceau People Are People. Manson restera aux abonnés absents pour le tribute For the Masses et ce n’est qu’en septembre 2004 qu’il reprend Personal Jesus. Il n’y a pas grand chose à dire de cette reprise très proche de la version originale de Depeche Mode mais agrémentée de guitares saturées et de voix d’outre-tombe. On aime ou on aime pas. En étant critique, on peut même avancer que Manson sombre dans la facilité en reprenant des paroles qui sont du pain béni pour le bouffeur de curés sauce américaine. Les kids américains tomberont dans le panneau de cette supercherie. Dommage, on aurait aimé entendre le diablotin dans un registre plus alternatif, genre Somebody revisité à la tronçonneuse ou The Meaning of Love version white trash bien graveleux. Une chose est sûre, cette reprise est bien moins surprenante que celle de Sweet Dreams d’Eurythmics qu’on doit également au dernier enfant terrible de l’Oncle Sam. Next.