Fans professionnels
Tout commence en 1974 lorsque deux jeunes de la banlieue londonienne, Susan Ballion et Steve Bailey, se rencontrent à un concert de Roxy Music. Leur amour pour la musique, celle de David Bowie tout particulièrement, les rapproche. A cette époque, un nouveau courant musical, qui deviendra un véritable phénomène de société est en train d’éclore : le punk. Les groupes s’inscrivant dans ce mouvement parlent de la vie de la jeunesse prolétarienne en Angleterre. Se sentant proches de ces groupes et de leur colère, les jeunes du pays leur réservent un grand succès. Susan Ballion et Steve Bailey ne dérogent pas à la règle. Ils découvrent les Sex Pistols à leurs débuts et décident de former le Bromley Contingent, une petite troupe de supporters acharnés qui se rendent à tous les concerts des Pistols. Le Bromley Contingent compte également en son sein Billy Broad, futur Billy Idol, et un certain John Simon Ritchie qui deviendra Sid Vicious.

Siouxsie SiouxLa naissance chaotique de Siouxsie and the Banshees
Le groupe fut créé en septembre 1976. A cette période, un festival punk réunissant les Sex Pistols, The Clash, les Buzzcocks ou the Damned doit se dérouler dans le 100 club de Londres. Trois jours avant, un groupe se désiste et Susan Ballion et Steve Bailey, qui ne tarderont pas à se renommer en Siouxsie Sioux et Steve Severin, décident de les remplacer. Ils montent donc le groupe en trois jours : Siouxsie se retrouve catapultée au chant, Steve à la basse, Sid Vicious veut jouer de la batterie et ils recrutent un quatrième larron, Marco Perroni, futur membre d’Adam and the Ants, à la guitare. Il faut préciser que, à part le guitariste, aucun d’entre eux n’avait jamais chanté ou touché un instrument de leur vie. Mais ce n’est pas un problème pour eux et c’est d’ailleurs une situation très courante dans le milieu punk. Il ne manque plus que le nom du groupe. Siouxsie s’inspire d’un film d’épouvante avec Vincent Price qu’elle a vu quelques jours auparavant à la télévision, « The Cry of the banshee ». Les banshees sont des fées du folklore gaélique qui présagent la mort par leurs lamentations. Le nom du groupe sera donc Suzy and the Banshees pour ce soir-là, avant que Siouxsie Sioux ne transforme son nom. Le soir du concert, le groupe s’élance sur scène après une répétition de 10 minutes la veille. Leur prestation est pour le moins déroutante : Sid Vicious martèle un rythme primitif, Perroni fait hurler sa guitare et énonce à Steve Severin les cordes qu’il doit pincer sur sa basse, pendant que Siouxsie récite le « Notre père », entrecoupé d’extraits de « Twist and shout » et de « Knockin’ on Heaven’s door ». La performance dure plus de 20 minutes, jusqu’à ce que tout ce petit monde décide brusquement de s’arrêter et de quitter la scène. Le groupe se sépare aussitôt après.

On efface tout et on recommence
Siouxsie Sioux et Steve Severin décident de persévérer, suite à quelques encouragements de spectateurs qui ont décelé le charisme de star de Siouxsie. Ils recrutent le batteur Kenny Morris et, courant 1977, le guitariste John McKay. Extrêmement méfiant à l’égard de l’industrie du disque, le groupe refuse de signer un contrat à la hâte et commence à se faire remarquer par des concerts provocateurs où Siouxise, outrageusement maquillée, apparaît vêtue de tenues sadomasochistes en vinyle noir et arborant des insignes nazis. Par la suite, Siouxsie s’est expliquée sur les swastikas qui ornaient ses vêtements de l’époque en disant que c’était une simple provocation envers la génération précédente, celle de leurs parents, qui avaient combattu pendant la seconde guerre mondiale. Siouxsie and the Banshees se qualifie de groupe résolument anti-raciste et anti-fasciste et avait pour habitude d’insulter et de chasser de leurs concerts les quelques néonazis et skinheads fascistes qui avaient le malheur de s’y trouver. Les Banshees signent finalement avec Polydor au milieu de l’année 1978, après s’être rendus compte qu’il n’était pas possible de diffuser leur musique sans l’aide d’une maison de disques. Ils publient dans la foulée leur premier 45 tours « Hong Kong garden » qui devient un véritable tube en atteignant la septième place des charts anglais. Ce morceau entraînant et mélodieux ne figurera pas sur leur premier album, « The Scream », paru en décembre 1979, car il ne colle pas vraiment avec l’ambiance générale du disque. Fin 1979, Morris et McKay démissionnent suite à une dispute avec le reste du groupe, et ce quelques jours seulement après le début de la tournée suivant la sortie de leur deuxième album, « Join hands ». Peu de temps après, Siouxsie and the Banshees publiera un 45 tours intitulé « Drop dead », que l’on pourrait traduire par « Allez crever », à l’intention de leur deux ex membres.

Siouxsie SiouxPériode prolifique et intérim de Robert Smith
Les eighties débutent donc pour les Banshees sans batteur ni guitariste. Ils doivent pourtant continuer la tournée prévue. Ils recrutent donc le batteur Budgie, qui a déjà officié dans divers groupes tels que les Slits ou Big in Japan. Budgie deviendra un membre majeur du groupe. Il va donner une véritable identité au groupe durant les années suivantes. Il se mariera avec Siouxsie et ils fonderont ensemble en 1981 un groupe parallèle, The Creatures. Mais revenons à l’année 1980. Siouxsie and the Banshees ne parviennent pas à trouver de guitariste et décident de solliciter les services d’une personne qu’ils fréquentent depuis quelques temps, un dénommé Robert Smith. Celui-ci, qui travaille parallèlement sur l’album « Seventeen seconds » avec son groupe The Cure, accompagne en live un de ses groupes préférés. Smith, qui n’avait pas eu le temps d’apprendre toutes les chansons, joue avec des notes qu’il étale tout autour de lui sur scène. Il admit par la suite que jouer au sein des Banshees avait modifié sa façon d’envisager la musique de The Cure. A la fin de la tournée, Robert Smith laisse sa place à un nouveau guitariste, John McGeogh, ex Magazine. Le début des années 80 est particulièrement prolifique pour les Banshees puisqu’ils sortent coup sur coup leurs trois meilleurs albums : « Kaleidoscope » en 1980, « Juju » en 1981 et « A kiss in the dreamhouse » en 1982. Ce dernier album, précédé d’un best-of, voit l’utilisation pour la première fois dans la carrière de Siouxsie and the Banshees d’une section de cordes. L’album est tout aussi froid et inquiétant que ses prédécesseurs mais témoigne d’une vraie recherche musicale parfaitement originale. A la fin de l’année 1982, John McGeogh, considéré par tous, y compris par les Banshees eux-mêmes, comme le meilleur guitariste de la carrière du groupe, s’en va après s’être brouillé avec Siouxsie. Le fort caractère de la chanteuse et parolière du groupe et son exigence sont souvent mal perçus par les nombreux musiciens s’étant succédés au sein du groupe. Ce départ arrive on ne peut plus mal car Siouxsie and the Banshees a une tournée mondiale à assurer. Ils font donc à nouveau appel à Robert Smith, véritable intérimaire du groupe. Cette dantesque tournée sera immortalisée à travers un sublime album live « Nocturne » sorti en 1983. Au sortir de cette éprouvante tournée, tout le monde a besoin de s’oxygéner l’esprit avec de nouveaux projets. Siouxsie et Budgie se consacrent à The Creatures et sortent le très brillant « Feast ». Steve Severin et Robert Smith, quant à eux, forment leur propre groupe, The Glove, du nom du méchant dans le film des Beatles « The yellow submarine ». Ils ne sortiront qu’un seul album « The blue sunshine », qui est le nom d’une variété de LSD.

Ralentissement de la cadence
L’année 1984 voit la sortie de l’album « Hyaena » et l’arrivée d’un énième guitariste au sein de Siouxsie and the Banshees, John Carruthers, ancien membre du groupe industriel Clock DVA. Les sorties d’albums s’espacent de plus en plus et le groupe préfère sortir régulièrement des 45 tours très travaillés tels que la reprise des Beatles « Dear prudence » en 1983, « Swimming horses » en 1984 ou « Cities in dust » en 1986. Justement, cette même année, le groupe sort un nouvel album intitulé « Tinderbox ». Galvanisés par l’accueil très positif réservé à l’album, ils publient l’année suivante un album de reprises, « Through the looking glass », en hommage à un roman de Lewis Caroll, père d’Alice au pays des merveilles. Ce sympathique album compte des reprises surprenantes de la part du groupe telles que « The hall of mirrors » de Kraftwerk, « This wheel’s on fire » de Bob Dylan, « Strange fruit » de Billie Holliday, « The passenger » d’Iggy Pop ou « Trust in me », morceau chanté par le serpent Kâ dans le film de Disney « Le Livre de la jungle ».

La fin et le recommencement
1987 est aussi l’année du départ de John Carruthers, qui sera rapidement remplacé par Jon Klein. Pour la première fois de sa carrière, Siouxsie and the Banshees recrute un cinquième membre, Martin McCarrick qui officie à l’accordéon, au violoncelle et au clavier. Ce dernier va d’ailleurs exercer son talent sur l’étonnant single « Peek-A-Boo » où l’accordéon se marie à une rythmique d’inspiration hip hop et à des bandes d’un vieux morceau du groupe enregistrées à l’envers. Ce morceau, issu de l’album très sombre « Peepshow », marche particulièrement bien aux Etats-Unis. Cette nouvelle notoriété outre-Atlantique leur permet de participer à la première édition du festival itinérant Lollapalooza en 1991, où ils assurent la promotion de l’album « Superstition ». Ils figurent également sur la bande originale du film Batman II en 1992 avec le morceau « Face to face », titre inquiétant se mêlant bien à l’ambiance du film de Tim Burton. Le dernier album de Siouxsie and the Banshees, « The Rapture », sort en 1995 et le groupe se sépare peu de temps après la tournée. Siouxsie et Budgie se consacrent alors exclusivement à The Creatures et Steve Severin sort deux albums solos, dont « Visions », un album instrumental et expérimental aux influences aussi variées que Philip Glass et Aphex Twin. Il est à noter que, pour faire la nique à leur nouvelle maison de disques Universal suite au rachat de Polydor qui laisse leur catalogue prendre la poussière, Siouxsie and the Banshees décide de rempiler avec une tournée best-of « The seven years itch tour » en 2002. C’est un double affront envers Universal puisque le DVD et le cd live seront publiés chez le label indépendant Sanctuary.

Un héritage mal exploité
Siouxsie and the Banshees est malheureusement un groupe bien peu connu en France alors qu’il s’agit d’un groupe culte en Angleterre. Nous pouvons expliquer cela par le fait que nos amis d’outre-Manche ont été beaucoup plus touchés par le mouvement punk, qui a révolutionné toute une manière de penser et de faire de la musique. Siouxsie and the Banshees est un groupe majeur, rien que par le fait qu’ils soient, au même titre que Bauhaus, les inventeurs d’un rock profond, féru de littérature, le rock gothique. Mais personne n’a tenté d’égaler le style théâtral de Siouxsie Sioux, la palette musicale toujours renouvelée des Banshees et leurs textes évoquant un univers fantastique et poétique. Il est à déplorer qu’un courant musical naissant et aussi riche d’idées ait été poursuivi par des groupes sans ambition musicale et sans imagination qui ont fait basculer le genre dans le grand-guignol.

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